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Ferme de la Bourdaisière : une page qui se tourne

La Ferme de la Bourdaisière  est le projet originel de l’association Fermes d’Avenir, celui par lequel tout a commencé…

Les enjeux de ce projet étaient triples :

  1. Prouver, par la pratique, que l’agroécologie n’est pas moins rentable que l’agriculture dite conventionnelle, et que les agriculteurs peuvent en vivre dignement,
  2. Comprendre et évaluer les freins juridiques (nature des baux, droit social, fiscalité…) qui empêchent les porteurs de projets d’avancer dans un contexte national contraignant,
  3. Mesurer les externalités positives selon 6 approches (agronomie, environnement, santé, éducation, emploi, économie territoriale) – et rendre compte de la réelle valeur créée par les nouvelles fermes agroécologiques. L‘un des points majeurs demeure l’estimation de l’évaluation conjuguée de ces externalités positives avec la rémunération des services écosystémiques, ou l’application du principe du pollueur-payeur.

La Ferme de la Bourdaisière a donc été conçue, dès le départ, comme un projet expérimental et démonstratif. En observant sa mise en place, en écoutant les besoins des porteurs de projets de passage sur le site, et en nous confrontant à d’autres fermes, nous avons poursuivi l’aventure en créant l’association Fermes d’Avenir et développant différents programmes pour répondre aux différentes attentes :

  • Nous avons développé des formations adaptées et des supports pédagogiques, jusqu’à un module dédié à la comptabilité en multi-capitaux pour rendre compte de la réelle performance des exploitations.
  • Face au besoin de se former sur le terrain, avant installation, dans des fermes exigeantes sur le plan environnemental et social, nous avons conçu le Programme Compagnonnage.
  • Face au manque de financement pour les fermes : nous avons organisé un concours national (qui a permis de distribuer près de 1,5 millions d’euros à près de 170 porteurs de projet), et avons valorisé le financement participatif avec la plateforme Bluebees.
  • Face au manque de reconnaissance des agriculteurs engagés : nous avons organisé le Fermes d’Avenir Tour avec la rencontre de 200 fermes en France, et mis en avant des portraits inspirants.
  • Face au manque de compréhension des leviers à la main des décideurs politiques et économiques : nous avons diffusé un plaidoyer avec un regard plus politique, plus militant, mettant en lumière une agriculture humaniste et innovante, l’agroécologie et l’agroforesterie et leurs valeurs ajoutées pour les citoyens et les territoires.
  • Par ailleurs, les deux derniers enjeux du projet, tout aussi fondamentaux que le premier, ont fait l’objet de deux rendus avec les Cabinets Carbone 4 et Auxilia, suivis d’amendements proposés lors des Etats Généraux de l’Alimentation.

Cette aventure est donc avant tout un succès compte tenu de ce qui a été démontré et achevé. Les différents retours d’expérience – tant positifs que négatifs – ont tous été riche d’enseignements : en plus d’être un formidable terrain d’observation qui a permis de concevoir tous les programmes ci-dessus en 5 ans, la ferme de la Bourdaisière, avec la pratique du maraîchage bio et diversifié, nous a permis de nous confronter aux contraintes et opportunités suivantes:

  • L’impossibilité de construire un bâtiment professionnel pour laver et stocker les produits (la ferme se situe dans l’enceinte d’un bâtiment classé aux Monuments Historiques et l’infrastructure envisagée initialement aurait coûté plus de 2 fois le budget prévu);
  • Le déploiement d’expérimentations techniques grandeur nature (cave semi-enterrée, serres mobiles, serres bioclimatiques, etc.) qui ont montré la capacité à s’équiper en réduisant le recours aux énergies fossiles, mais avec parfois des limites sur le plan pratique;
  • Le modèle en salariat, qui était un postulat de départ, s’avère rare dans le maraîchage traditionnel pour une ferme en cours d’installation. Il impose des horaires réglementés (35 heures hebdo), implique des charges sociales importantes, dans le respect total du droit du travail, et le paiement des heures supplémentaires majorées. De plus la ferme expérimentale exige des compétences multiples qui rendent le recrutement plus sensible (capacités en production, commercialisation, pédagogie, mais aussi innovations techniques et recherche de financement) ;
  • L’afflux de visiteurs et les nombreuses actions de formation impactant le rythme de la production (en moyenne annuelle sur 2017 et 2018, nous avons accueilli 200 personnes en formation, réalisé une trentaine de visites en petits groupes, et animé quelques séminaires d’entreprise). Ces actions font partie du projet social de la ferme, mais se révèlent difficilement conciliables avec des objectifs de rentabilité et de reproductibilité de la ferme.

Dans ce contexte, nous sommes allés au bout de l’expérimentation et nous avons choisi de clore l’activité de production maraîchère sur le site de la Bourdaisière. Nous nous concentrons désormais sur les fermes agro-écologiques qui, dans un contexte différent, prouvent leur triple performance : sur le plan économique, environnemental, et social.

 

Concernant la rentabilité économique :
S’il est aujourd’hui impossible d’affirmer que l’agriculture intensive et chimique est rentable (50 % des exploitations françaises auraient un résultat courant avant impôt négatif sans les aides de la PAC*), il est désormais bien établi que des microfermes maraîchères agroécologiques** répondent à cette triple performance. Nous travaillons avec plusieurs d’entre elles, par le biais notamment des Concours Agriculteurs d’Avenir, du programme Compagnonnage ou de Blue Bees. Ces fermes sont multiformes (elles peuvent sortir un revenu avec 2000m² ou 2ha cultivés), suivent des voies techniques diverses (issues de la permaculture, du système bio-intensif, du maraîchage sur sols vivants, etc..) et définissent leur propre curseur entre les exigences de rentabilité économique, le temps et l’ergonomie du travail, et les choix de commercialisation. Sans être expérimentales, elles peuvent diversifier leurs sources de revenus (tourisme, formation), mais vivent principalement de la vente de leur production agricole (en produits bruts ou transformés). Il n’existe donc pas un modèle unique de viabilité économique, mais au contraire une diversité de modèles, tous adaptés à un contexte spécifique (de conditions agronomiques, de type de productions et services dérivés, de conditions de vente, de compétences de l’agriculteur, etc). Nous pensons désormais que nous accélèrerons davantage la transition agroécologique en relayant cette grande diversité de fermes, en transmettant au plus grand nombre les conditions de réussite et les points de vigilance, en documentant les expériences réussies et en aidant leurs modèles à se répliquer.

Depuis la création de Fermes d’Avenir, nous avons contribué à populariser les termes de permaculture et d’agroécologie, à rendre le métier d’agriculteur désirable, à inspirer une nouvelle génération de porteurs de projets. La ferme de la Bourdaisière a entraîné un effet multiplicateur considérable. Nous continuons à le faire en nous appuyant sur ces nombreux exemples partout en France, à travers nos activités de conception de fermes (comme la Ferme du Perche de 5 ha, ou la grande Ferme de l’Envol de 75 ha en Essonne sur un modèle de polyculture-élevage diversifié en agriculture biologique), de formation, de financement et d’influence.

 

Que devient la ferme et ses fermiers ?
Les deux maraîchers salariés (Rachel et Corentin) vont s’installer sur leur propre ferme dans les prochains mois (en Touraine et en Mayenne). Les précédents salariés de la ferme (Grégoire, Benjamin, Nicolas) sont également installés.

Une prochaine étape consistera à faire évoluer le modèle de la microferme maraîchère à la Bourdaisière en un lieu explorant:

  • Un démonstrateur en agroforesterie comme opportunité à moindre contrainte pour les villes et les espaces non arborés (prairies ou gazons autour des usines, dans les parcs…)
  • La production de tomates bio et de plantes aromatiques en vue de leur transformation (comme une méthode production-transformation-valorisation) en cohérence avec le Conservatoire de la Tomate. Ces programmes sont encours d’étude.

La Bourdaisière reste un lieu historique de nos formations et nous continuerons à prendre appui et à développer des partenariats avec des fermes de la Région Centre Val de Loire pour illustrer des modèles durables et diversifiés, en complément de nos actions en Normandie et en Ile de France.